La louve

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Réalisé par Remidefuta

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Avez-vous une seule fois, sur le fil de votre trop fragile existence qu’ourdit la Moïra et ses avatars, entendu la complainte lointaine et déroutante d’un loup qui de vie passe à trépas ? Avec ce majestueux canidé, c’est un homme qui se meurt. Et si vous ne savez pas pourquoi ces êtres pourtant si différents en apparence sont si intimement liés, je vais vous l’apprendre, comme on enseigne la parole à un enfant. « Mais qui est-il ? Où est-il ? », vous demandez-vous. Je ne suis rien… ni personne, juste un lointain et volatil souvenir perdu au tréfonds de l’inconscient collectif ! Seulement un de ces innombrables soldats tombés au fil des siècles dans l’anonymat et l’indifférence générale : une pierre parmi les pierres qui composent la stabilité d’un seul et unique homme à la gloire éternelle. Mais je suis là, toujours et bien présent. Je fus un homme, je suis un loup, un lycanthrope ! Et bien plus encore, je suis une ombre ou un souffle évanescent. Un sentiment incontrôlable qui vous dresse les poils du corps à la vue ou à l’écoute des plus sinistres atrocités commises par vos semblables, ou de leurs actes les plus héroïques. Souvenez-vous de ces temps où, à votre instar, je ne me souciais que de moi. Non, plus cynique encore… de la grandeur de mes maîtres !

Sous l’influence intéressée de nos rois d’Europe, c’était un temps de batailles et de conflits fratricides. Aux quatre horizons cardinaux qui crucifient le monde, la terre autrefois fertile était devenue un immense charnier. Le Nouveau Monde, quant à lui, si pur et si sauvage, devenait le lieu d’une course sans précédent à l’expansion brutale… et la mer, un gigantesque cimetière de navires. Toujours nous avions une bonne raison de faire la guerre… bonne ?!… Jamais mot ne me paraîtra plus stérile. C’est amusant de voir à quel point les nations savent se dédouaner de leurs plus terribles crimes… et pour seul crédit, un mot… qui rassure les foules, galvanise et rassemble les esprits, tant et si bien qu’au final ce simple mot donne à la guerre une légitimité qui frôle la volonté divine. En tout cas c’est ce que nous pensions. Avec un recul mesuré, je peux affirmer sans me tromper qu’il en était de même pour nos adversaires. Si jamais il n’est assuré de bon ou de mauvais camp, il y a celui des vaincus sous le joug de son vainqueur, seul finalement à écrire la légitimité de son parti dans les livres d’histoire. Ce fut le cas de mon seigneur ! Mais permettez-moi de jeter un linceul sur cette histoire que, plus que toute autre, je souhaite ardemment effacer de mon cœur et de mon être. A contre-courant, je vais vous conter l’une de ces innombrables histoires qui jamais ne furent couchées sur le papier… : la mienne !

__________________

J’étais un noble seigneur d’une petite bande de terre infertile d’Ecosse et soldat de l’armée royale d’Angleterre. Le bataillon dont j’étais le commandant fut envoyé au cœur du Nouveau Monde, posté au plus profond des terres canadiennes, dans le but d’affirmer les positions anglaises en territoire français et de protéger les intérêts de la couronne en sécurisant les postes de traite et les voies de transport des fourrures.

Au printemps 1765, nous reçûmes l’ordre de marcher vers le Nord sur le Fort Français de La Biche et d’affirmer au passage ce nouveau territoire anglais en le nettoyant de ses rebelles indigènes. Village après village, nous massacrions indifféremment les vieillards, les femmes et les enfants aussi sûrement que les guerriers, pour que ne puisse naitre les germes de la vengeance. Nous déferlions sur l’ennemi tels une meute sauvage et brutale, sanguinaire, ivre d’une rage et d’une fureur aveugle. Moi, autant que toutes autres âmes serviles. Pour tuer, mieux vaut ne pas voir celui qui se trouve sous sa lame. Et si par le plus grand des malheurs le doute prend germe en notre cœur, mieux vaut ne rien en dire pour que jamais il ne se répande. Finalement, pour suivre les ordres les plus vils, mieux vaut ne pas les comprendre. On dit usuellement qu’un bon ennemi est un ennemi mort, on épouse l’absurde en en faisant un proverbe. Mais au bout du compte, un bon serviteur, lui, ne peut-il être autre chose qu’une âme morte ?!

Ce n’est que quelque temps plus tard que nous rencontrâmes la première résistance sérieuse. Un peuple de montagnards organisés comme une meute de chiens de guerre autour d’un homme au charisme hors du commun : le guerrier-loup. A la fois guerrier et chaman, il semblait puiser une force surnaturelle de la terre. Nos fusils furent sur lui si inefficaces qu’on l’eût dit drapé d’immortalité et ce n’est que bien plus tard que j’apprendrai à quel point c’était vrai. Au cœur de ces grandes collines boisées, mon bataillon était tombé dans une embuscade. Sous une pluie de flèches, mes hommes se regroupèrent en cercle autour de leur commandant, les premiers rangs faisant rempart de leur chair pour permettre aux autres de recharger leurs fusils. Et tandis que la fumée grise et sulfurée qui naissait de nos salves en direction des bois formait un dôme nous rendant invisibles les uns aux autres, nous entendîmes les cris de guerre de nos ennemis qui se jetèrent à notre contact, armés de gourdins, de couteaux et de haches. Aveuglé, mon sabre au poing je combattis comme un forcené, tranchant, tailladant tout homme se trouvant à la pointe de mon arme, mû par une terreur atroce et un instinct de survie décuplé. Je ne saurais dire si je piétinai les corps de mes adversaires ou ceux de mes compagnons. Lorsqu’un couteau vint se ficher entre mes côtes, sortant du brouillard j’aperçus le visage déformé par la haine du guerrier-loup, si clairement qu’on eût pensé qu’il cherchait à capturer les dernières étincelles de ma vie au creux de ses pupilles. La fumée se dissipant peu à peu, je remarquai qu’une meute de loups sauvages au pelage gris observait la scène du haut de la colline comme autant de spectateurs silencieux. Leurs yeux brillant d’une étrange humanité me gela les sangs aussi sûrement que la profonde blessure qui me fit perdre connaissance. Mes frères d’armes fêtaient déjà leur victoire sur l’ennemi par des cris et des chants militairement cadencés qui, par la douleur et au travers du voile de l’entre-mort, me semblaient être des beuglements infernaux se muant peu à peu en chants funèbres comme sortis d’outre-tombe. Laissé là, pour mort, au milieu des corps et des traces indélébiles que laisse tout champ de bataille, je ne sentais plus rien, ni la douleur ni le poids de mon paquetage ou de mon propre corps, pas même l’odeur acre du sang mêlée à celle de la poudre, ou la caresse de la brise froide du crépuscule qui balaye la plaine comme pour la purifier de notre présence et encore moins les battements de mon propre cœur. Tous mes sens m’abandonnèrent.

Combien de temps restai-je là ? Au milieu de mes compagnons et de mes adversaires tombés au champ de guerre. Tous, et sans distinction aucune, entassés, mêlant notre sang comme autant de pairs. Les loups gris vinrent arpenter ce charnier. Cherchaient-ils à guider les âmes des indigènes sur le chemin de leur réincarnation ou simplement à se repaitre de la carcasse des morts ? C’est l’un de leurs souffles au creux de mon cou qui me fit reprendre connaissance. Je me relevai avec une étrange vivacité, pointant mon sabre en leur direction. Les loups se regroupèrent tout autour de moi, grognant, se déplaçant à pas feutrés et dressant leurs poils le long de leurs dos. Et les miens firent de même, tant une terreur nouvelle réanima mes nerfs.

Autrefois, je respectais voire je vénérais le loup pour sa dualité. Je me sentais proche de lui, semblable. D’ailleurs n’était-ce pas l’emblème de mon clan, dans ma lointaine Ecosse ? Car il symbolise la protection, la destruction, la sauvagerie et la débauche. En vérité, tout guerrier n’est-il pas un loup lui-même ? Mais à l’instar de nos semblables qui haïssent ce qu’ils ne connaissent pas ou ne peuvent comprendre, je les craignais. Me retrouvant là, face à eux, leurs yeux brillant dans la nuit comme autant d’œuvres démoniaques, je ne voyais pas des frères mais des démons psychopompes venus prendre ce qui restait de mon âme pour l’escorter en enfer. « Fuis ! », me dis-je de prime abord, les veines glacées et le sang me voilant les yeux. Mais la peur se mêla bien malgré moi à une rage profonde, de celles dont sont capables les prédateurs blessés et acculés par des chasseurs. Non… « Affronte ton destin ! », me hurla une voix au plus profond de mon être. Serrant si fort la soie de mon sabre que mes doigts en rompirent, j’étais pour la première fois de ma vie prêt au combat.

La douleur et la colère, comme autant d’intenses émotions qui jusque-là troublaient mon esprit d’un brouillard opaque et furibond, ne purent bien longtemps me cacher la présence étrange et inopinée d’une femme. Elle avançait au milieu des loups et ils baissèrent la tête à son approche. Qui est cette sauvageonne ? Une détrousseuse de cadavres ? Un spectre venu narguer les morts ? Ou pire encore, une sorcière que ses loups mènent au sabbat ?! Autant de questions qui me percèrent le crâne comme une lance effilée à cette étrange apparition. Et pourtant ni de ses yeux ni de ses gestes n’émanait la moindre violence ou haine. Et loin des démons chtoniens que j’avais vu auparavant, à son contact même les loups devinrent paisibles, inoffensifs, aussi fragiles que de jeunes chiots.

Jamais je n’aurais pu me résigner face aux hommes, face aux bêtes, face aux dieux eux-mêmes, si ce ne fut la volonté de mon seigneur. Mais devant cette beauté sauvage aux yeux de soie j’abaissai ma garde, et toute la volonté du monde ne m’aurait donné la force de lever le glaive sur elle. C’est cette faiblesse qui me rappela à la réalité de mes blessures et lorsque de nouveau, je perdis connaissance, ce fut pour revoir cette guerre avec des yeux nouveaux. Les yeux de l’un de ces loups qui trônait sur les hauteurs de la colline, et ce que je vis ébranla mes certitudes, ma conscience et mon âme.

Longtemps je crus ce que répandaient nos prêtres, Dieu aurait créé les fauves qui peuplent la terre dans le but de punir les hommes coupables d’impiété. Et pourtant, chaque guerrier réuni sur le champ de bataille avait au fond de lui, mémoire gravée de nos croyances ancestrales, le sentiment que voir un loup avant le combat était présage de victoire. Un rassurant présage pour une immense contradiction. Les croyances sont bonnes tant elles guident l’indécis, encouragent le lâche et gardent du danger le curieux et le sot. Mais dangereuses tout autant sont-elles lorsqu’au-delà du geste c’est la vie qu’elles guident. Bien du temps il m’a fallu pour leur préférer le savoir. Mais que voyaient nos ennemis en la présence de ces loups ? La même chose que nous ? Ou leurs ancêtres venus en spectateurs du brasier à venir !?

L’expérience que je vécus en cet instant d’inconscience fut-elle un rêve, une hallucination ou un fragment de souvenir laissé sur le champ de bataille par l’un de nos ennemis ? Quoi qu’il en soit, il me permit de voir ce peuple et ses coutumes. Ils se disaient descendants des loups et vouaient ainsi un culte au héros guerrier, ancêtre mythique et esprit de la forêt, le Créateur de dynastie et de civilisations… le Dieu-Loup !

Je vis le guerrier-loup. Il était là, agenouillé devant un autel au pied d’un totem. Il semblait fredonner un air guttural en se raclant la gorge. La fumée épaisse d’un grand feu de bois dans lequel il avait jeté des poignées d’herbes hallucinogènes lui rougissait les yeux et son corps vibrait frénétiquement. L’ombre du totem à la gueule ouverte, que le feu projetait sur les grands troncs d’arbres avoisinants, se mua peu à peu en celle d’un grand loup. Celui-ci se redressa sur ses postérieurs, lui donnant une attitude anthropomorphe, gigantesque et divine. Cette ombre devint volume et matière, puis une voix profonde et omniprésente se fit entendre. Elle semblait émaner de toute part, des arbres, de la terre, du ciel et du plus profond des cœurs pour s’adresser au guerrier prosterné et pleurant de joie et d’espoir.

« Vois devant toi, majestueux et imposant, le dévoreur d’astre et de temps : l’être de jour et de nuit, dieu solaire et céleste tout autant que terrestre, sinon chtonien. Le divin protecteur, mécène de fécondité humaine et de fertilité agricole. Je protège la terre, ton peuple, ta nation ! Je te guide, je te garde ! Et toi mortel, que fais-tu pour moi ? Pour tes ancêtres et leur souvenir !? Qui, sous notre forme incarnés, loups évanescents d’ombres et d’argent, arpentent ce monde que vous croyez posséder, en veilleurs silencieux et paternels !… Tu vis, tu espères, tu pries et tu te bats ! Contre tes semblables, ceux qui asservissent le monde, traquent mes filles et mes fils par crainte et aveuglement. Ils les dépècent par vanité et arborent leur corps en manteaux, bijoux et fétiches sans autres pouvoirs que ceux de la suggestion… Lève-toi, Guerrier !… Tu combats, tu saignes, tu souffres pour regagner ta place dans l’équilibre du monde. Tu as fait le choix de combattre les hommes qui ont jadis condamné l’humanité à l’isolement et à la servitude. Cette place, je te la rends ! Deviens à mon instar, force libre de la nature, dépense-toi avec fureur et sans discernement. Ils se sont créé un monde à côté du monde ! Déchaîne tempêtes et séismes, toutes les forces de la terre, pour ébranler ses insensées fondations et taire le sophisme décadent de ses maîtres… Vas frère des loups ! Et souviens-toi ! »

Le guerrier se redressa fort d’une assurance nouvelle et les yeux brûlant d’une férocité que seule notre mort pourra apaiser. J’entendis, de plus en plus étouffés et de plus en plus lointains, à mesure que je reprenais connaissance, ces guerriers entonner dans leur langage un air que je ne pourrai jamais oublier tant je le connaissais. Des paroles que j’entendis jadis, bien loin d’ici, dans les rocheuses de Roumanie, un chant funéraire.

Paraîtra encore

Le loup devant toi

Prends-le pour ton frère

Car le loup connaît

L’ordre des forêts

Il te conduira

Par la route plane

Vers un fils de Roi

Vers le Paradis

Lorsque finalement je rouvris les yeux, j’étais allongé sur une paillasse au cœur d’une hutte au toit de chaume. A mon chevet les loups semblaient me veiller comme ils veilleraient l’un des leurs et je ne ressentais plus émaner la moindre douleur, ni de mon corps ni de mon âme. Je me sentis bien, paisible et léger. L’Indienne à la beauté d’ange et au regard de galopin avait soigné mes blessures. Je sentis dès lors qu’elle aurait la force de me tirer des ténèbres et la malice de me dérober le cœur. Le temps de mon rétablissement, elle m’apprit plus qu’un quart de siècle de guerre ne sut m’apprendre, sur elle, sur sa science, sur la nature, sur son peuple et sur moi-même. Aux jours succédèrent les mois, puis les années. J’étais devenu un homme nouveau dans un monde nouveau. Du statut aveuglément envié de chef de clan, de noble puissant mais esclave de son propre pouvoir et du devoir s’ensuivant, j’étais devenu homme libre, libre de ne rien posséder, que la liberté de se mouvoir à son gré et de se suffire à lui-même… Une liberté simple, une liberté vraie. Et la sorcière de mes craintes s’était peu à peu muée en mère de ma renaissance, sœur de mon âme puis femme de ma vie. J’étais devenu l’un des leurs, et plus que jamais auparavant je pouvais me considérer proche des loups, de la nature dans son ensemble. Enfin je les comprenais. Enfin je les estimais. Enfin je les aimais, d’un sentiment transcendant les instincts humains. Je vivais des jours radieux dans un monde paisible, même sous les plus torrentielles moussons ou les neiges les plus lourdes. Naquit en moi le désir inexplicable et incontrôlable de partager cette vérité avec mes semblables.

Non… de leur créer ce monde.

Mais irrémédiablement et à l’instar de tous, les fantômes du passé se rappelèrent à moi. Et advint le jour où je me retrouvai face au guerrier-loup, face à mon ancien ennemi. Il se souvint de moi aussi sûrement que je me souvenais de lui. Il se rappelait à moi, à mes fautes, à mes errances et à mes meurtres. Autrefois voulant me détruire, il m’avait sauvé. A présent nous étions semblables de par l’amour que nous portions tous deux à la terre mère, j’en tétais un sein, il en tétait l’autre. S’il est bien une chose qu’un homme ne peut faire seul, c’est de défaire et reconstruire une civilisation. Et pour cette même raison, notre idéal commun, il doit détruire et je veux reconstruire. Mais le destin d’un homme, de l’humanité, du monde, est-il écrit par avance ? Immuable et irréversible ? Son passé le suit-il toujours pas à pas, comme une ombre, quels que soient ses choix ou ses changements ? Lourd et tranchant comme l’épée de Damoclès ? Ou est-ce la frustration insoutenable de ne pas être celui que je m’apprêtais à devenir qui le conduisit à poursuivre notre ancien conflit ? Car nous nous faisions face une fois ultime, tous deux armés de couteaux.

Il est un loup, je suis un chiot.

Il est beau, il est fort, et je ne sais plus me battre, je n’y arrive plus.

Il me blesse, je suis comme paralysé, impuissant à donner la mort.

Il est fort d’une volonté inébranlable à m’abattre, à détruire tout ce que je représente, tout ce que je suis. Pourquoi ? Pourquoi mon bras retient-il ses coups ?

Il m’abat comme si je n’étais qu’un simple gibier à la pointe de sa lame. Pourquoi ? Pourquoi le destin, joueur et instable, m’offre-t-il un choix pour me le reprendre finalement ?!

Pourquoi faut-il que je périsse avant même que de m’être accompli ?

Il ne me quitte pas des yeux, il me regarde mourir mais je sens dans son regard qu’il me respecte.

Pourquoi un espoir meurt-il toujours avec un rêve, une fée avec un arbre, un loup avec un homme ?! Pourquoi un savoir, une expérience ou un art disparaissent-ils toujours avec une vie ? Inconnus, oubliés, comme s’ils n’avaient jamais été ?! Inutiles !… Pourquoi ?…

La nature ne connaît pas le gâchis, elle n’en sait pas le sens, n’en comprend pas le concept. Car c’est de l’homme une pure création. La plus incontournable, la plus inébranlable et la plus lourde de conséquences !

J’entendis le chant des loups, un son clair et limpide. Ils chantaient à la lune naissante et je les écoutais pour la première fois sans préjugés et sans crainte.

Avez-vous une seule fois entendu la complainte lointaine et déroutante d’un loup qui de vie passe à trépas ?… Avec ce majestueux canidé, c’est un homme qui se meurt !

Alors que la lune embrassait le soleil dans les cieux, que les loups chantaient au rythme cadencé du vent, du grincement des arbres entamant une danse funèbre, le guerrier-loup et mon amante louve dressèrent un bûcher à mon attention. Elle posa sur mon corps un linge brodé de mon histoire et sur mes lèvres un baiser. Il couvrit mon visage d’un masque mortuaire de bois, et je crois bien que l’ombre du Dieu-Loup vint me saluer d’une révérence.

Au-delà des frontières brumeuses des croyances et de la réalité, là où la conscience traverse les barrières du temps, de l’espace, du concevable et du sentiment, son vécu comme écrit dans un livre qui ne peut se mentir à lui-même, l’homme se relit, se juge et seul en referme l’ouvrage. Je trouvai dès lors ce qu’autrefois j’eus cherché, une simple évidence… je vécus en esclave mais je mourus en homme !

Aussi, par cette bien étrange ironie, l’heure funeste de ma mort devint celle de ma véritable naissance !

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